Les déchets organiques constituent la moitié des nos poubelles. En 2008, chaque parisien en envoie à l'incinérateur environ 180 kg, dont environ 70 qui auraient pu être compostés, selon des chiffres de la Mairie : fruits et légumes abîmés ou coupés en morceaux, épluchures (sauf les agrumes et leurs épluchures trop acides pour être compostables ), coquilles d’œufs pilées, filtres avec marc de café, marc ou sachet de thé, de tisane, fleurs, plantes fanées, à l’exclusion de restes de viande, poisson, fromage ou pain qui peuvent attirer des animaux.

Un immeuble de 150 foyers comme la Villa des Hauts de Belleville peut donc générer jusqu'à 10 tonnes de déchets compostables chaque année. Mais ça reste théorique : dans la pratique, encore faut-il convaincre tous ses habitants de passer à l'acte, ce qui n'est pas le cas ici. Malgré tous les efforts d'Anne-Lise Millan Brun, une habitante qui s'active beaucoup pour mener à bien l'expérience dans l'immeuble. Environ 35 familles se sont lancées à ce jour.

Comme je suis, de notoriété publique, un extrémiste, j'imagine tout de suite un compostage généralisé à tous les parisiens, avec collecte quotidienne, usines de compostage, potagers municipaux et tutti cuanti. Je me demande si cela est réalisable et si oui, à quel prix.

Je toque donc à la porte de François Dagnaud, adjoint au maire de Paris chargé de la propreté et du traitement des déchets, mais aussi président du Syctom d'Ile de france : le bon interlocuteur. Mais quand je lui fais part de mon rêve, ça se corse !!! (voir la vidéo)

Bref, François Dagnaud souligne que la solution privilégiée par la mairie est une utilisation du compost à l'endroit où il a été produit. En clair : pas de collecte du compost et encore moins de collecte des déchets organiques avant compostage. Cela veut dire que seuls quelques immeubles munis d'un jardin - ce qui est très rare à Paris - sont retenus pour cette expérience.

Pourtant, ces questions méritent d'être posées, car au delà du côté folklorique de la création d'une filière maraîchère dans la capitale, se pose la question éminemment moins rigolote des polluants rejetés par nos sacro-saints incinérateurs. Mais à ma grande surprise, Mr Dagnaud ne semble pas faire le lien entre la présence de matière organique dans les déchets incinérés et l'apparition des dioxines. Hors, chacun le sait, le mélange de matière organique et de plastique est la condition de cette apparition.

Je tente donc par tous les moyens de lui faire évaluer le coût des filtres à dioxine et surtout de leur stockage, une fois qu'en fin de vie, devenus ultra toxiques, ils sont enfouis dans des sites nommés "Refiom", destinés aux déchets ultimes de classe 1. Je n'aurai aucune réponse. Pour lui, le compostage à Paris semble n'avoir que peu d'intérêt, en dehors des quelques sympathiques installations de bacs mises en oeuvre depuis 2010, dans les immeubles munis d'un grand jardin.

Est-ce parce-que les incinérateurs tournent à bloc pour produire de l'électricité et du chauffage urbain, ensuite revendus par le Syctom ? De fait, c'est pour le moins ironique de voir les parisiens payer leurs emballages, puis, le recyclage des emballages, puis l'électricité qu'on vient de produire avec ces mêmes emballages brûlés ! Le système est bien rodé !

Notre composteur en chef a toutefois des pistes intéressantes à débattre avec ses collègues avec la mise en place à Paris d'une filière de méthanisation, ce qui serait une avancée mais n'irait pas sans poser quelques problèmes.

Pour info, Mr Dagnaud, voici à quoi ressemble un centre de compostage de déchets verts. Si les parisiens triaient eux même leurs déchets organiques, ce type d'installation permettrait de créer un compost de très bonne qualité et facile à vendre.

Par ailleurs, des usines fermées de compostage des déchets organiques pré-triés existent :

Les odeurs n'apparaissent pas à l'image, mais il semblerait qu'elles ne soient pas présentes si le système est bien construit.

D'autres sites comme celui-ci proposent un tri mécano-biologique avec fermentation , mais à première vue, je ne ferais pas pousser mes tomates bio dans le compost qui en sort !!! Et vous ?

Allez, ça suffit pour cette fois, dans un prochain épisode, dioxines, déchets ultimes et mâchefers seront l'objet de mes questionnements.

Pour terminer cette première incursion au pays des poubelles, une anecdote : en me rendant à vélo jusqu'à la mairie de Paris, pour y rencontrer François Dagnaud, j'ai eu la désagréable sensation d'avoir posé mon sac à dos dans une flaque : bas du dos mouillé. Imaginez mon embarras quand je me suis aperçu, en ressortant de cette interview, que l'humidité s'accompagnait d'une terrible odeur et était due à la putréfaction d'un concombre oublié là après les précédentes courses ! En pleine crise du concombre tueur, messieurs de la sécurité de la ville de Paris, vous avez risqué gros.

Bref, j'ai poussé la conscience professionnelle jusqu'à faire du compostage au sein même du bureau magnifique de Mr Dagnaud ! Je mérite le prix concombritzer !